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Le TREG, récit d’une aventure extraordinaire

L’Afrique cela vous touche en plein cœur, lorsque vous avez connu cette atmosphère, ces rencontres, ces paysages vous ne rêvez que d’une seule chose, y retourner…

Après deux tours du Burkina Faso en vélo en 2005 et 2007, je n’y ai pas échappé. L’envie était forte de revenir gambader en Afrique Subsaharienne.

Depuis j’ai changé de discipline, le Trailrunning est devenu une formidable passion. Cette discipline qui nous permet d’explorer le monde chaussures aux pieds…

Justement en janvier 2014, un sacré personnage, Jean Philippe Allaire, lance la première édition du Treg. Un Trail au Tchad en plein milieu du désert de l’Ennedi. La curiosité m’amène à m’intéresser à cette course…

Pourquoi le Tchad ? Un pays qui a connu quelques années de guerre civile… Pourquoi la région de l’Ennedi est-elle classée au Patrimoine mondiale de l’UNESCO ?

Je suis de près cette première édition. J’y vois une poignée de 20 pionniers qui ont su se faire convaincre par Jean Philippe pour affronter 180km kilomètres en autonomie alimentaire, guidage par GPS dans le désert, environnement hostile et dans un confort plutôt sommaire.

Je n’y vois pas une course, j’y vois une aventure hors du temps loin des sentiers battus et un incroyable prétexte pour retourner en Afrique.

Depuis l’idée me trotte dans la tête, mais les 180km me font très peur. Je ne sais pas si je suis capable de réaliser une telle distance. Mon expérience sur le long s’arrêtant à la CCC (100km/ 6000D+) et je n’ai couru qu’une seule fois dans le Désert à l’occasion du DUST, une course de 3x30km à Dahkla dans le sud du Maroc. Certes j’avais adoré courir cette course et les sensations procurées mais ce n’était « que » 90km en 3 jours !

Je croise souvent Jean Philippe sur les événements sportifs, il sent que cette course m’attire. Son discours, ses arguments, ses photos, ses vidéos finissent par me convaincre. Je sais que je ferai cette course un jour.

Fin 2016, il me propose de participer à l’édition 2017. Ma décision n’est pas très difficile à prendre je serai au Tchad en février 2017, j’embarque Charlotte avec moi l’aventure se doit d’être partagée !

Le chamboulement 2017

En 2016 nous décidons Charlotte et moi de quitter notre vie parisienne pour faire un break et partir en Afrique du sud. L’objectif est de faire une formation d’anglais et découvrir une nouvelle culture. Nous quittons Paris le 1er janvier. Le départ vers le Tchad se fera au départ d’Afrique du sud et la prépa pour le Treg se fera donc autour de Cape Town.

Entrainement à Cape Town // Janvier 2017

Cape Town à Ndjamena 10 février 2017

Le voyage est long les vols inter-Afrique ne sont pas des plus simples. Après un stop à Johannesburg et un stop de 4h à Addis Abeba nous arrivons au Tchad après 16h de voyage. Nous retrouvons sur place l’organisation et tous les participants. Après plus d’un mois loin de la France c’est un plaisir de retrouver des visages familiers.

Ndjamena à Fada 13 février 2017

La bonne surprise de cette édition 2017 ! Le gouvernement Tchadien a mis à disposition un pont aérien pour l’organisation de la course. Nous allons donc éviter 10h de 4X4 dans les dunes et voler dans un avion de l’armée.

Le vol est épique, nous avons nous-même installé nos bagages à l’arrière de l’appareil, nous nous sommes installés sur des sièges en filet tels des parachutistes de l’armée. Les sourires sont là, parfois détendus souvent crispés, tout le monde a conscience que ce voyage est hors du commun.

On remet dans le contexte : Vol interne au Tchad au milieu du désert, dans un avion de l’armée… Pincez moi c’est bien réel ?

Nous atterrissons à Fada sur une « piste » en sable, prenons des 4×4 pour 2 heures de piste direction l’Ennedi puis arrivons finalement au village.

Ce village a été créé spécialement pour l’organisation de la course par les femmes des villages aux environs. Le décor est pittoresque, le paysage est magnifique nous sommes au pied d’une falaise de 30 mètres de haut au milieu de plaine désertique. La scène est incroyable, nous sommes dans un décor de cinéma, au milieu du far west. Un mélange de Colorado, Grand Canyon et Sahara…

Nous prenons nos marques et nous installons dans notre case. Nous la partageons avec Momo, toujours le sourire aux lèvres et Guillaume Le Normand qui a gagné la dernière édition. Je lui pose pas mal de questions et tente de m’imprégner au maximum de son expérience.

14 février 2017

La nuit dans notre case sur une paillasse a été plutôt bonne. La journée est consacrée au contrôle du matériel et à l’apprentissage du guidage par GPS. Une petite balade de 5km est organisée pour apprivoiser le guidage. Tous les voyants sont au vert. J’appréhende de faire 180km mais j’essaie de ne pas y penser.

15 février 2017. La Course

J’ai bien dormi, je suis ravi de prendre le départ.

Coté matos, j’ai opté pour le sac Instinct 7L, il est vraiment blindé entre les 6000 Kcal à emporter et le matériel obligatoire. C’est risqué, les coutures sont tendues mais l’ergonomie de ce sac est vraiment top alors je tente. Je pars avec une paire de Fullsocks des chaussettes de compression Compressport et des Chaussures plutôt typées route des New Balance 1080

Je suis un peu à l’arrache niveau timing, j’ai pas vu le temps passé. J’arrive sur la ligne de départ en dernier 1 minute avant le start !

Je fais quelques mètres avec Charlotte qui part pour 90km puis rejoins les coureurs de tête emmenés par Valentin Betoutji, très bon coureur Tchadien (31’ au 10km, 1h06 au semi) qui est aligné sur le 45km.

Départ à CP1 26km

La course est lancée. Je décompose ma course par portion. Mon but n’est pas de faire 180km. Mon but est d’arriver au prochain CP dans un état correct.

Cette première portion est très escarpée et incroyablement belle. Nous passons dans des canyons et empruntons des labyrinthes. Nous sommes 4 en tête 2 coureurs Tchadiens (qui courent le 45km), Guillaume et moi. Chacun notre tour nous prenons la tête. Les tchadiens sont souvent devant mais commettent beaucoup d’erreur de navigation.

Je me retrouve finalement devant et arrive avec quelques secondes d’avance au premier CP.

26km – 2h30 de course

Petite pause. L’équipe médicale me pose du sparadrap sur le dos. J’ai quelques frottements qui apparaissent, la faute à mon sac un peu (trop) chargé. Mais tout va bien. Ravito express.  5 minutes de pause et s’est reparti.

CP1 à CP2 17km

Je repars avec Guillaume. Nous traversons de grandes plaines avec du fort vent. Parfois nos routes se séparent chacun prend son cap. Nous nous retrouvons quelques kilomètres après. Je sens que j’ai des frottements au niveau des pieds et quelques ampoules apparaissent. Mais j’avance avec Guillaume. Km 35 je commence à sentir la chaleur. Guillaume imprime un bon tempo. Je le laisse filer. Il s’éloigne progressivement dans des paysages de savane puis disparaît totalement. Finalement je le retrouve au CP 2. Il repart, au moment où j’arrive.

CP2 43km

Je sens que mes pieds ont chauffé. Des ampoules sont bien là. Je prends le temps de me les faire soigner par l’équipe médicale. 15 minutes de pause et c’est reparti.

(Je dois faire un aparté sur mon choix chaussures, en décembre j’étais focusé sur mon départ en Afrique du sud. Le Treg était loin pour moi. Une semaine avant le départ j’ai opté pour une paire de chaussure. Une paire destinée à la route le modèle New Balance 1080 suite à mon expérience au Maroc où une paire de route m’avait largement convenue. J’ai fait coudre des « Scratch » pour y fixer des guêtres à Paris 2 jours avant de partir. Les coutures ont rétrécies la chaussure et des plis sont apparus sur le devant. Je m’en suis aperçu une fois à Cape Town, je ne pouvais pas changer de chaussures. J’ai également fait une erreur, car le Treg ne se court pas que sur du sable. La variété des terrains est incroyable, le parcours emprunte des chemins très pierreux et abrasifs. Mes 1080 V2 étaient très confortables mais pas adaptées à ce genre de terrains sur aussi long. J’aurais du opter pour une paire de Trail. Les Leadville 1210 auraient été parfaites. J’ai fait une erreur sur ce coup là.)

CP2 à CP3  15km

Ce stop m’a fait du bien. Je repars à bon rythme, je retrouve de bonnes sensations. On alterne des grandes plaines et des grandes montées de dunes. Je croise quelques animaux, quelques Dromadaires égarés. Je prends beaucoup de plaisir à courir je ne sens plus trop la chaleur les kilomètres défilent rapidement. Après une longue descente nous nous retrouvons dans une vallée. J’aperçois Guillaume au loin. Il alterne marche course je reviens sur lui rapidement au moment où nous atteignons le CP3.

CP3 58km

Au CP je suis bien, je prends le temps de me ravitailler et de remplir mes flasques puis repars tranquillement avec Guillaume.

CP3 à CP4 13km

Après le CP3  nous entrons dans un canyon, des blocs de roche immenses s’imposent devant nous. Il n’est pas évident de trouver la bonne trace au GPS, il y a plusieurs possibilités de voies différentes et le paysage laisse rêveur, j’essaie de ne pas avoir le nez que sur ma montre pour profiter du paysage.

Nous sommes toujours à deux et je prends les devants, les sensations sont bonnes.

Guillaume perd quelques mètres et prend une voie différente. Je ne le sais pas mais je ne le reverrai plus. Je ferai les 120 « derniers » kilomètres seul.

Je passe le labyrinthe sans me perdre me retrouve dans une nouvelle vallée, puis face à moi un dune énorme de 100 ou 200 mètres de dénivelé à monter. Je doute mais la voie est bonne. Je monte tranquillement, je sens que le soleil commence à descendre. Les couleurs changent, les ombres apparaissent sur les dunes.

J’arrive au sommet, un point de vue incroyable sur des kilomètres de plaines bordées de roche verticale. C’est beau, très beau…

Le soleil se couche. Je prendrais bien une bière et quelques chips pour admirer tout ca mais il faut continuer… Continuer dans une incroyable descente, dans un sable vierge et mou. Je descends vite, je glisse, je m’enfonce, je rebondis,… Plaisir incroyable.

En bas je continue sur ma lancée, je suis bien, très bien même, j’ai fait 70km mais je cours à une bonne allure. Je traverse des villages, je croise des enfants, la lumière est incroyable. Je suis heureux d’être là.

J’arrive au CP4 sourire aux lèvres.

CP4 71km

Le stop ne sera pas long, je veux repartir vite, continuer sur une bonne lancée et faire le maximum de kilomètres avant la nuit.

CP 4 à CP5 25km

Je repars du CP4 et passe l’arche d’Aloba. La scène est incroyable, j’ai la chance qu’il fasse encore jour. C’est la deuxième plus grande arche naturelle du monde. Je me sens tout petit. Petite photo et c’est reparti !

Je me retrouve dans une plaine. L’horizon à perte de vue. Je sais qu’à partir de maintenant les choses sérieuses commencent. La distance entre les CP augmente considérablement.

Le GPS m’indique tout droit pendant 15km. Je cours, toujours à bonne allure. La lumière faiblit petit à petit mais je retarde le moment de mettre ma frontale et profite des dernières lueurs du jour.

La nuit est maintenant tombée et j’ai passé cette plaine sablonneuse. Il fait nuit noire et le terrain est de nouveau escarpé avec de nombreuses pierres et cailloux abrasifs. Mes douleurs aux pieds se réveillent et la fatigue se fait vraiment sentir.

J’arrive au CP5 avec soulagement, il est 22h j’ai fait 97km en 13h.

Je demande où en est Guillaume. Il est apparemment à 10km. Je vais pouvoir prendre une bonne pause et me faire à manger. Au programme pâtes à la carbonara Lyophilisées. On me donne des nouvelles de Charlotte. Il ne lui reste que 17km. Je suis content je sais qu’elle va finir.

Après mon dîner 5 étoiles, une petite sieste au coin du feu histoire de me requinquer. Les bénévoles aux CP sont aux petits soins et me programment le réveil ½ heure plus tard.

CP5 à CP 6 23km

23km à parcourir, surement la partie de la course la plus dure mentalement. Entre 23h et 2h30 du matin après avoir couru 100km. La nuit est très sombre, je ne vois pas plus loin que ma frontale. Je regarde ma montre toutes les 10 secondes pour ne pas me perdre. Je divague parfois, souvent même mais je cours sans m’arrêter et tente d’avancer coûte que coûte. Mes pieds me font souffrir, j’ai mal au ventre mais il faut avancer et ne pas lâcher.

CP6 120km

J’arrive au CP6 et je ne suis pas au top. Je suis fatigué. Je tente de dormir rapidement mais il fait très froid. Un vent glacial parcourt le campement. Je m’allonge au coin du feu. Je grelotte et tente de dormir. Je suis incapable de dire si j’ai dormi ou pas. Ce moment-là est très difficile j’ai fait 120km il est 3h du matin il fait 5°c. Pardonnez mon manque d’amabilité sur ce CP 😉

Au bout d’une heure, machinalement je me lève, m’habille et repars. Il serait tellement facile de rester là…

CP 6 à CP 7 28km

Je me réchauffe en quelques minutes mais les sensations sont les mêmes qu’avant le CP. La fatigue et lassitude de la nuit m’envahissent, 28km seul m’attendent après avoir déjà réalisé 120km.

Vers 4h30 du matin, mes yeux se ferment tout seuls, il est dur d’avancer, très dur. Une chape de plomb me tombe sur la tête. Je n’ai qu’une envie… dormir…

Puis le ciel commence à s’éclaircir, les premiers rayons du soleil m’effleurent le visage, je retrouve des paysages magiques et aperçois des groupes d’animaux courir devant moi au petit matin. L’instant est magique.

En quelques minutes je retrouve de l’énergie et de la chaleur… C’est reparti pour une nouvelle journée je me sens revivre et recours à bonne allure.

Le corps est magique.

J’arrive au CP 7, 150km cela fait plus de 24h que je cours, je suis plutôt bien et toujours content d’être là. Mes pieds c’est une autre histoire… Je décide de me les faire soigner.

Je prends également des nouvelles de Guillaume. On me dit qu’il devrait arriver « incessamment sous peu », je déteste cette réponse. J’active les soins du coup. Je me sens de repartir rapidement.

CP7 -> CP8 16km Death Valley // Les plaines de la mort

Le soleil commence à taper fort, très fort. La veille le vent était présent et nous n’avions pas cette sensation de chaleur. Cette fois c’est différent, il fait très chaud.

Le parcours traverse de grandes plaines désertiques parsemées de somptueux acacias et bordées de grandes roches verticales. C’est toujours aussi beau mais l’ombre est inexistante, je cuis littéralement. Mon allure se réduit considérablement. Je n’ai qu’une envie atteindre ce putain de CP !

J’arrive au CP10 en état de décomposition avancée. Je suis rincé, vidé, j’ai fait 164km j’en peux plus. Le camp est à l’ombre. En 10 secondes je passe de l’état de chaleur extrême à des tremblements de froid. Je mets ma veste alors qu’il fait plus de 30°c.

Je prends quelques minutes de repos mais je ne m’attarde pas, je veux en finir.

CP10 à Arrivée 17km Le supplice

Pour la première fois depuis le départ je repars du CP en marchant. Il me faut au moins 15 minutes pour réussir à courir à nouveau. Tout mon corps n’est que souffrance, chaque pas posé sur le sol est synonyme de douleur, mais je me force à courir.

Le soleil est toujours là, la chaleur toujours omniprésente. Les kilomètres défilent très lentement. Je vois un 4×4 approcher à l’horizon, Charlotte vient me retrouver et me soutenir. J’en ai besoin à ce moment. Elle a finit sa course tranquillement, je suis fière d’elle. Cela me fait du bien de la voir. Mais il me reste 11km, sans doute les plus long de ma vie.

Finalement la ligne d’arrivée se rapproche, j’aperçois l’arche. Des Tchadiens, Charlotte viennent m’aider à faire le dernier kilomètre. Tout le monde est là pour m’accueillir. Le bonheur d’en finir.

J’en ai vraiment bavé pour rallier l’arrivée, je lâche quelques larmes de joie ou de soulagement je ne sais pas trop…

J’ai mis 30 heures pour réaliser ses 180km hors du commun.

Une belle aventure intérieure où tu te retrouves face à toi-même, seul dans le désert. La seule issue est d’avancer, peu importe les éléments extérieurs.

Une incroyable aventure partagée avec tous les participants, les Tchadiens, l’organisation, les bénévoles, l’équipe médicale… Une formidable ambiance sur le village pendant une semaine et un profond respect entre les tous les acteurs du Treg.

Des sentiments de respect, de fierté et d’humilité se lisaient sur tous les visages du camp après la course. Peu importe que tu sois premier ou dernier. Ici dans l’Ennedi cela n’a finalement que peu d’importance. Venir au Tchad était le défi le plus important. Le reste n’était que plaisir, découverte, échange, partage et dépassement.

Pour finir, je pense à Jean Philippe, je l’ai tant de fois détesté et tant de fois aimé pendant la course. Il m’a emmené là où je n’aurai sans doute jamais été, il m’a poussé loin dans mes limites et mes pensées, il m’a fait découvrir un magnifique pays et ses habitants, il m’a fait vivre une aventure exceptionnelle. Je le remercie infiniment pour tous ces moments gravés à jamais.

Merci à tous.

A bientôt le Treg !

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